samedi 31 mai 2008

Métiers à tisser et histoire informatique


Quelques semaines auparavant, je m'extasiais devant la réalisation de la machine à calculer de Charles Babbage, mais rien n'est plus étonnant qu'une démonstration réelle de ce type de mécanique. J'habite dans la région lyonnaise depuis bientôt deux ans, mais je n'avais encore jamais pris le temps de visiter la Maison des Canuts. C'est chose faite, et outre l'agréable moment passé devant ces machines à tisser et une guide compétente, je suis sorti un peu étourdi pour deux raisons: La première est liée, pour rester poli, aux influences industrielles. La seconde relate ma compréhension tardive des racines de l'informatique et ma surprise d'appréhender ce domaine en visualisant les mécanismes des métiers à tisser.

Chacun à son tour
La présentation au cours de la visite du musée des canuts se décompose en deux thèmes principaux : l'histoire de la soie de la Chine à Lyon, puis la semi-automatisation du tissage avec la mise en avant des travaux de Joseph-Marie Jacquard.
Comme la plupart des gens, je connaissais l'origine chinoise de la soie, mais au fur et à mesure des explications je prenais conscience de l'origine de cette industrie, sa migration vers l'Europe où on a copié le savoir faire chinois, qui s'est propagé lentement du pays du soleil levant vers nos contrées tout en passant par la Perse et l'Italie. La différence notoire avec ce que nous observons aujourd'hui dans le domaine de transfert de technologie est la période restreinte durant laquelle le phénomène se produit.
Vous trouverez sur le site de Germaine, Wikipédia ou les métiers d'autrefois, l'histoire de la soie de Si Ling Chi à nos jours.

Automatisation du tissage de motifs sur la soie
Si vous cherchez sur Internet les grandes dates de l'informatique, une chronologie de l'histoire de l'informatique ou une chronologie technique, vous aurez la surprise de découvrir que les premières étapes sont particulièrement lointaines et vous remarquerez que l'année 1801 s'avère assez importante.
Le travail de tissage avec des motifs fut si laborieux que plusieurs ouvriers ou ingénieurs ont essayé de trouver des solutions pour alléger cette tâche. Ces inventions ne furent pas toujours bienvenues dans un premier temps, mais elles permirent d'améliorer l'efficacité des soieries en France face à la concurrence féroce de pays comme l'Angleterre et l'Écosse.

Les dates importantes sont :
Avant : Arrivée en France depuis l'Italie, d'un métier utilisé déjà en Chine appelé la petite tire. Il est composé d'un système de cordes verticales et horizontales (appelées aussi lacs) qui permettent de lever ou d'abaisser les fils de chaînes (les grands fils horizontaux).
1606 : Claude Dangon modifia la petite tire en grande tire en ajoutant plusieurs marches et un second appareil funiculaire,
1678 : Monsieur de Gennes présente une tentative de machine à tisser automatique,
1725 : Basile Bouchon, utilisait au sein d'un métier à tisser, une carte perforée pour reproduire un patron sur de la soie,
1728: Jean-Baptiste Falcon assistant de Basile Bouchon changea la carte perforée unitaire par une chaîne de cartes perforées pour changer plus rapidement de patron,
1733 : John Kay invente la navette volante qui va permettre à un seul ouvrier de la lancer d'un coté à l'autre le fil de couleur.
1740: Jacques Vaucanson qui avait déjà travaillé sur des automates musicaux, invente un métier à tisser basé sur un mécanisme de cylindre perforé guidant les fils de chaîne,
1801 : Joseph Marie Jacquard adapta les inventions de Falcon et Vaucanson pour créer un métier sélectionnant les fils de chaîne à l'aide d'un programme inscrit sur des cartes perforées. Il substitua au cylindre de Vaucanson, un parallélépipède carré sur lequel vient se plaquer le carton perforé à chaque coup du métier par un jeu complexe de poulies et de contrepoids,
1806 : Jean-Antoine Breton reprendra les principes de la machine de Jacquard pour apporter les améliorations définitives en inventant une sorte de pièce coudée permettant de plaquer, régulièrement et sans heurts, le carton perforé sur le cylindre carré. C'est sa machine qui sera la plus utilisée, mais elle gardera le nom de Jacquard,
Ensuite : Création des métiers automatiques en Angleterre.

Retour sur l'histoire
Au fur et à mesure des recherches historiques, on se rend compte que certaines personnes ont fait l'objet de toutes les attentions alors qu'elles ont été un élément d'une chaine de construction. Dans le cas présent la majorité des références sur la mécanisation des métier à tisser se focalise sur Joseph Marie Jacquard, même si Bouchon, Facon, Vaucason et Breton eurent un rôle dans ces évolutions. Le "Livre Études sur le régime des manufactures condition des ouvriers en soie" de Louis Reybaud résume bien ces évolutions et un article de Jean Huchard donne les volumes de machines de Jacquard vendues.

Le schéma sur ce livre montre assez bien les évolutions apportées par ces trois personnes et sur le site du Musée des Arts et Métiers, une vidéos est disponible.

Qui sont les premiers informaticiens ?
La base d'un métier semi-automatique a été créée suite aux travaux de Jacquard. Alors peut -on considérer que ces personnes créant des cartes perforées sont les premiers informaticiens (voir cette image) ?
Lors de ma visite du musée des canuts, je n'ai pas été interloqué par les cartes perforées car inconsciemment, je les avais déjà côtoyées à travers les récits de mes aînés qui avaient pratiqué la programmation sur carte perforée IBM.
Alors en cherchant dans les sites d'histoire de l'informatique, j'ai évidemment trouvé des centaines de référence à cette invention considérée comme espace de stockage, support de stockage ou élément majeur dans l'histoire de l'informatique.



Par contre, il me reste une question en suspens. La carte perforée a permis de soulever les fils horizontaux du métier à tisser, mais avant cette technique, il y avait déjà un système disponible.
Dans la maison des Canuts on trouve un métier à grande tire avec des groupes de ficelles reliés aux cordes qu'il faut tirer pour permettre la réalisation des formes de couleurs basées sur des patrons. Ces ensembles de ficelles, permettant de soulever les cordes pour chaque ligne, créés cet amas de fils que l'on voit ci-contre.


Aux dires du guide du musée des Canuts, il fallait au moins un mois pour préparer cet ensemble de ficelles qui compose les patrons des dessins à réaliser en soie de couleur. Alors ne serait-ce pas plutôt là le début de la programmation ?

Découverte d'une bibliothèque en ligne
Dans mes recherches sur ce sujet, j'ai trouvé des pages web intéressantes, mais pour la première fois j'ai essayé de trouver des textes sur des livres plus anciens. Sans aller dans une bibliothèque lyonnaise qui doit regorger de cette littérature, j'ai parcouru Google Book. pour tomber sur un livre de Louis Reybaud Publié en 1859 et j'avoue avoir été subjugué par la modernité de ce texte.
Je n'avais pas pris conscience de l'impact de ces bibliothèques en ligne, mais Google en insérant celles-ci dans les résultats de nos recherches, leur donne une dimension supplémentaire. Nous n'avons plus uniquement la chance de parcourir tout le web qui représente un contenu de millions de pages créées en 15 ans, mais la possibilité d'obtenir des résultats venants d'autres époques, complètement décalés de la notion d'Internet. Les recherches ne se font plus à travers une surface plane, mais on y trouve désormais une profondeur, le temps.

Sources :
La Maison des Canuts (Lyon - France) : Visite guidée
Womeninscience : SI LING-CHI
Metiers.free.fr : Les métiers d'autrefois illustrés sur le Net
Musée de la Soie Cévennes : Production de soie
Le site de Germaine : L'origine de la soie
Computer History Museum : Cours par thèmes pour les élèves de l'Université de Houston
Université Klagenfurt, Austriche : Carte Perforée et ligne de temps
history-timelines.org.uk : Computer History Timeline
Histoire Informatique : Les grandes dates
Wikipedia : Carte Perforée IBM:
Wikipedia : Basile Bouchon
Wikipedia : Jean-Baptiste Falcon
Wikipedia : Joseph Marie Jacquard
Wikipedia : Jacques de Vaucanson
Musée des Arts et Métiers : histoire
Conservatoire des vieux métier : La réalité du métier Jacquard
Google Book : The Lever of RichesTechnological Creativity and Economic Progress
De Joel Mokyr
Google Book : Études sur le régime des manufactures condition des ouvriers en soie. Louis Reybaud Publié 1859

3 commentaires:

le grenier du vieux a dit…

Bonjour

Merci de vos renseignements .

qu'en est-il des matrices auriez-vous des éléments

Merci Bonne soirée

Franck Depierre a dit…

Parlez-vous des matrices / carte perforée de Jacquard ou des ficelles ?

le grenier du vieux a dit…

Bonjour

Il était question des deux plaques de fontes perforées de 208 troues celle que je possède datant d'entre v1811 et 1840 Mon adresse mail étant denis.saintleger@gmail.con et non grenier du vieux A+